La différenciation est alors nette entre les modèles, souvent appelées « cover-girls », posant de façon statique, « spécialistes de la beauté immobile » [32], et les mannequins appartenant à la cabine d'un couturier, faisant essayages et présentations [33]. Ces derniers, qui n'ont pas toujours un physique parfait, sont recrutés pour leur gestuelle et leur aisance une fois vêtus [32]. Les modèles, à l'opposé, se doivent d'avoir uniquement une grande photogénie [32], ainsi que savoir se maquiller, se coiffer et s'habiller seuls [34]. La hiérarchisation naturelle donne primeur aux modèles par rapport à la cabine [31]. Il reste également une troisième catégorie, les mannequins « volants » qui ne sont en contrat avec aucune maison mais sont embauchés suivant les besoins [35]. Dès les années 1950, un mélange de genre se créé dans l'élite de la profession : les grands modèles de l'époque, tels Bettina, Capucine ou Ivy Nicholson, sont tout autant demandés par les couturiers que par les photographes ; de l'autre côté, des mannequins des maisons, comme Victoire, deviennent très sollicités par la presse une fois leur renommée faite dans les salons des maisons de couture [36], [35]. À cette époque, pour un mannequin ou un modèle, la photographie lorsqu'elle est réalisée pour les grands magazines ou les publicités de marques prestigieuses, est considéré comme un art majeur [36] et les noms ou surnoms sont parfois cités par la presse, forme de reconnaissance. Cette médiatisation cassant les frontières entre le modèle et le mannequin entraine une revalorisation de la fonction [26] : métier mal rémunéré jusqu'alors, les salaires augmentent [37] ; les premiers mannequins-stars comme Dovima ou Suzy Parker font augmenter les tarifs qui vont atteindre parfois des sommes astronomiques. L'univers du mannequinat, composé d'environ un millier de mannequins en activité à Paris [35], est alors partagé entre les Françaises naturelles et élégantes, les sophistiquées Américaines, et une génération d'Anglaises comme Barbara Goalen, Anne Gunning ou Fiona Campbell-Walter, prélude à la dominance de ce pays en matière de mode lors de la décennie suivante [38]. Le Swinging London des années 1960 impose mondialement Jean Shrimpton, Twiggy ou Penelope Tree toutes à la silhouette plus androgyne et plus jeune : la révolution du prêt-à-porter est passée par là et la silhouette se doit d'être moins sophistiquée que pour l'âge d'or de la haute couture des années précédentes [38] : les corps des mannequins deviennent libérés des carcans des années précédentes, remplaçant la guêpière par le collant [39]. La minceur devient la règle. Si le principe du corps élancé s'est imposé au début du siècle, il atteint alors son paroxysme en matière de maigreur.